Mais où est donc passé le bonheur ?

Le bonheur avait filé, c’était indiscutable ! Mais où était-il donc passé ? Personne ne le savait et il fallait le retrouver avant le cataclysme assuré !

Mais tout d’abord, revenons quelques temps en arrière …

Tout se passait bien dans la petite bourgade du Nord de la France. Les habitants prenaient soin de leurs maisons, qu’ils entretenaient régulièrement, car ils y passaient de longues heures.

Tout le monde sait qu’il ne fait pas très beau dans le Nord, que la pluie y a planté ses racines et que le brouillard semble vouloir cacher le moindre coin de paysage. Est-ce par pudeur ? Non, c’est le temps de « là-haut », comme on dit. En hiver, il fait froid et les habitants aiment se réfugier bien au chaud, soit au coin de leurs cheminées, soit bien calés dans leurs fauteuils, près des radiateurs. Et surtout les habitants aiment s’inviter entre eux et partager leur café. C’est ainsi dans le Nord, on dit que les gens sont froids, mais quand on les connaît bien, on découvre que ce sont des personnes très chaleureuses.

Ainsi donc tous les habitants étaient heureux, se réunissaient et voyaient leurs jours s’écouler calmement. Le bonheur faisait partie de leur vie quotidienne.

Malgré le mauvais temps, ils gardaient toujours le sourire et accueillaient les visiteurs avec beaucoup de gentillesse et de simplicité.

L’été, il ne faisait jamais chaud, mais cependant le soleil savait se montrer parfois généreusement et sourire aux habitants.

Les voyageurs qui s’arrêtaient dans la petite bourgade semblaient souvent déplorer le climat, surtout ceux qui venaient du Sud de la France, qui eux, bénéficiaient d’un climat chaud et très ensoleillé. Mais dans le Nord il est un dicton qui dit que le soleil brille dans le cœur, même s’il ne brille pas à l’extérieur. Que dit-on dans le sud ? Je ne m’aventurerais pas pour le moment à le répéter …

Et la vie continuait, simplement, chaleureusement, à coups de tasses de café et de rires. Bien sûr les habitants sortaient aussi de chez eux, ne serait-ce que pour faire leurs courses, mais ils étaient très fiers de l’intérieur de leurs maisons et appartements qu’ils veillaient à garder toujours propres.

Les saisons se succédaient toujours dans la même ronde, printemps, été, automne, hiver, sans grands écarts de températures, ni de jours de pluie ou d’ensoleillement. Dans le Nord, c’est ainsi, les gens sont tout simplement contents de leur région et ne cherchent pas forcément à avoir ce qu’ils n’ont pas.

Mais cette année-là quelque chose se dérégla dans le climat. Et cela commença en été. Il se mit à faire chaud, de plus en plus chaud. Le soleil brillait de plus en plus et les habitants de la petite bourgade se mirent à sortir plus souvent de chez eux.

Ils voulaient profiter du soleil, de cette chaleur si appréciée par les gens du Sud de la France. Les rues se remplirent de plus en plus de monde, les magasins se retrouvèrent envahis de clients qui venaient se rafraîchir en profitant de la climatisation qu’il avait été indispensable d’installer, tellement la chaleur devenait suffocante.

Les enfants harcelaient leurs parents pour aller à la piscine et commençaient à devenir de plus en plus insupportables.

C’était une évidence : la chaleur s’installait dans le Nord de la France, bouleversant toutes les habitudes des habitants.

Les femmes faisaient de moins en moins le ménage, puisqu’elles n’étaient pratiquement plus chez elles. Et comme les maisons n’étaient plus aussi propres et même impeccables qu’avant, plus personne n’invitait. De toute façon il n’y avait plus personne à inviter, puisque tout le monde passait sa vie au soleil. Et même, ce qui était encore la pire des choses, les habitants se mirent à vivre dehors la nuit, afin de profiter un peu de la fraîcheur qui devenait indispensable.

La bourgade n’était plus la même, les gens commençaient à ne plus supporter ce soleil, cette chaleur et devinrent de plus en plus irascibles. Et même les étrangers étaient mal accueillis ! La catastrophe paraissait inévitable. Plus personne n’était heureux et le bonheur qui avait égayé la région depuis des années et des années, avait filé, laissant la place à la tristesse, l’énervement, l’exaspération, toutes sortes de malaises et de sentiments inhabituels. C’était devenu une HORREUR !

Comment faire pour rétablir l’équilibre ? Il n’était pas possible de changer le climat, de demander au soleil de se cacher un peu derrière les nuages, puisque de toute façon, il n’y avait plus aucun nuage dans le ciel !

Tout le monde prit peu à peu conscience de la situation et comprit que, puisqu’il n’était pas possible de changer ce qui se passait à l’extérieur, il n’y avait plus qu’une seule solution : se changer soi-même.

Alors, malgré leur désir de profiter du soleil, du ciel toujours bleu, de la vie dans les rues, à la piscine, tous les habitants, même les plus récalcitrants, guidés par leur Maire, qui était connu pour être un homme sage, intégrèrent à nouveau leurs maisons, les nettoyèrent à fond, et Dieu sait qu’elles étaient bien sales, et redevinrent raisonnables.

Et ils s’invitèrent entre eux, à prendre le café, à partager de bons moments, sans penser au soleil qui brillait dehors et qui, de ses longs rayons séducteurs, tentait de les attirer. Mais cette fois, rien n’y fit, ils ne tombèrent plus dans ce piège, car ils avaient compris que le bonheur est en soi et qu’il faut savoir le partager.

Peu à peu tout redevint normal. L’été se termina avec son cortège de brumes de chaleur au petit matin, son soleil assommant et son ciel outrageusement bleu.

Le cycle normal des saisons reprit et le Nord de la France redevint comme avant, « normal » quoi !

De mémoire d’habitant de ce petit bourg, jamais il n’y eut pire catastrophe que cet épisode, qui avait fait filer le bonheur. Heureusement il était revenu et était lové bien au chaud au cœur de chacun et jamais plus il ne disparut !

Que se serait-il passé si la situation inverse s’était produite dans le Sud de la France ? Si le mauvais temps avait pris la place du beau temps en été ? Qu’auraient fait tous les habitants pour ne pas laisser filer leur bonheur ? Peut-être en avez-vous une petite idée ? Si c’est le cas, alors n’hésitez pas, envoyez-moi votre histoire et je l’ajouterai à ce conte.

 

Danièle Berry, 8 mars 2014

Date de dernière mise à jour : 26/05/2025

  • Aucune note. Soyez le premier à attribuer une note !

Commentaires

  • Chantal Chamant
    • 1. Chantal Chamant Le 29/05/2025
    C'est un très beau conte qui me rappelle le nord de mon enfance aujourd'hui avec le dérèglement climatique il fait plus chaud chez nous qu'avant et en plus on ne peut pas toujours mettre de climatisation car ce sont des maisons de ville donc des la nuit tombée les gens sortent pour avoir de la fraîcheur il y a souvent du monde dehors tard le soir après quoi dire entre le nord et le sud chacun vit différemment c'est ce qui fait le charme des régions de France
  • Michel Berry
    • 2. Michel Berry Le 26/05/2025
    Magnifique conte sur la chaleur que génèrent les relations humaines, et les dérèglements que peuvent engendrer leur extinction, ici une catastrophe climatique engendrant un soleil perpétuel. Que se passerait-il dans le sud, habitué aux activités extérieures symbolisées par d'interminables parties de pétanque ? L'adversité engendrant des solidarités, comme on le voit pendant les séismes ou les guerres, ils trouveraient certainement des solutions, et je parie que les parties de cartes auraient un nouvel essor.

Ajouter un commentaire